Esthael d'Armaël, le Iop érudit.

Salutations, Pédestres.

Si j'écume les tavernes depuis maintenant … Longtemps, c'est dans le but de trouver l'un d'entre vous. J'ai interrogé les aubergistes – certains ne s'en sont pas remis, d'autres m'ont remis à ma place – , suivi les indications de vieux et de vieilles innombrables, perdu mon chemin et ma monture à plusieurs reprises. Maintenant que j'ai pu vous croiser, laissez-moi me présenter.

Je suis Esthael d'Armaël, disciple de Iop, mais érudit avant tout. Que vos oreilles ne soient pas blessées par cette opposition, ni par mon ton. J'ai tout appris dans les livres des plus grands. Tout petit, déjà, lorsque d'autres s'entraînaient à pourfendre le boufton, je m'occupais simplement d'en prélever des morceaux pour mener mes expériences. Fenlapanse dormait sur mon chevet.

Je ne vous cache pas que ce penchant contre-nature m'a valu brimades et coups de mes camarades de jeu de l'époque. Je ne vous ennuierai pas avec mes vieilles histoires, comme celle de la peluche qu'un … Enfin bref, je m'égare.

J'ai grandi dans une petite maison d'Amakna, et c'est là-bas que j'ai reçu mes premiers encouragements, vers ma quinzième année. Alors que je tentais de prouver que le tofu était un animal parfaitement amphibie, à l'aide de l'enclume d'un de nos voisins forgerons et d'une profonde bassine pleine d'eau, je fis la connaissance d'un vieux disciple d'Enutrof au regard brillant de l'intelligence des grands hommes, un certain Novy Desta.

S'ensuivit une année d'intense formation. J'hébergai le vieil homme qui, en contrepartie, m'apportait petit à petit certains de ses secrets scientifiques les mieux dissimulés. Je compris par exemple enfin pourquoi les engrenages ne fonctionnent que lorsqu'on n'en a pas besoin. Pourquoi les potions de rappel ont un goût si âpre. Ou âcre. Et je découvris surtout qu'il était possible de vivre de sa science.

Instant magnifique de ma vie que celui où je compris cela. L'illumination. L'« heure éca », comme l'appelait mon mentor, Desta. J'allais pouvoir prouver à tous les chimpanzés névropathes qu'un disciple de Iop et un savant pouvaient faire bon ménage.

Hum. Je m'égare à nouveau. Or donc, valeureux Pédestre, j'ai passé du temps à te chercher. Je vais maintenant t'expliquer pourquoi.

Au bout de cette formation, Desta finit par me laisser seul. Il ne me restait aucune attache dans cette humble demeure, et, pour poursuivre mes expériences, j'aurais besoin de m'installer en ville. Je fins donc mes affaires, m'apprêtai à partir. Ma charrette était pleine de carnets de notes – eh oui, j'avais même appris à écrire auprès de mon maître – et mon sac de moyens de subsistance.

J'aurais pu partir ainsi, découvrir la vie à flanc de colline, accompagné d'un ménestrel écaflip qui chanterait mes hauts-faits scientifiques, me donnant à tout-va du « Sir Estha' ». Mais non. Mon maître m'avait laissé un parchemin cacheté, sur lequel était écrit « Lisez-moi ».

Il contenait le secret des secrets, l'ultime révélation. La terre n'était pas ronde comme le c** d'une pucelle. Non. La terre serait carrée. Je pris donc la route dans l'objectif de démontrer cette assertion. Tous les savants « sérieux » du monde des Douze, tous ces hibous bien-pensants, me rirent au nez.

Je sombrai dans l'alcool et la dépression.

Puis vint l'éclaircie. Je n'étais pas le seul à connaître ce secret. Et, plus encore, quelqu'un qui foulait encore le monde des Douze de son pas pédestre en était en quelque sorte l'initiateur. Cette rumeur était parvenue à mes oreilles l'un de ces soirs où je cuvais ma bière dans une sordide taverne de la ville de tous les vices.

Ma décision était dès lors prise : j'allais tenter de retrouver ces Petits Pédestres, de rejoindre leurs rangs pour pouvoir enfin mener mes expériences auprès de gens qui les comprendraient et les reconnaîtraient à leur juste valeur.

Désormais, j'attends votre réponse. Je vous ai apporté un extrait de mes journaux intimes, pour que vous vous rendiez compte de l'étendue de mes recherches. L'avenir de la vraie science est là, il repose désormais entre les mains de ceux qui savent.